Emma Jane Parker

New-York. "Ville du vice, ville du délice". Emma n'avait jamais pensé y mettre les pieds, du moins pas dans ces moments-là. Elle errait dans la ville, les yeux rivés sur les buildings, la tête dans les nuages, les esprits bien loin de ce qui l'environnait.
Qu'est-ce qui l'avait ammené jusque là? Elle qui n'avait jamais songé à venir aux States, elle si fidèle à sa culture irlandaise.
Ses souvenirs lui revenaient, sans cesse plus proches et plus nets. Sa mère, tentant de la contrôler, son père, agonisant sous ses yeux.

Elle ferma les paupières. Combien de temps s'était écoulé depuis ce jour? Elle ne saurait le dire, mais il lui semblait qu'une éternité avait passé depuis ce jour.
Elle revoyait cette scène.
La sonette de la porte. Puis le chaos; tout se brouillait, puis soudain, une colère, une colère noire qui l'envahissait. Elle sentait sa mère la posséder; son don de télépathie la contrôler pour calmer cette colère. Et puis un mal de crâne affreux, une douleur indescriptible; Emma ne ressentait plus rien, simplement elle voyait son père se tordre de douleur, et elle, sa fille, le regarder agoniser, impuissante. Elle revoyait ses mains; ces sortes de griffes ressortir de ses ongles, et sa mère tentant de la canaliser. Elle sentait encore ses doigts atteindre sa mère, ce mal qui l'avait envahi ce soir-là.
Et un grand vide. Elle s'était réveillée le lendemain, une migraine atroce lui martelait le crâne. Que s'était-il passé? Elle regardait autours d'elle, et se rendit compte de tout: elle s'était emparé du pouvoir télépathique de sa mère et ne le contrôlant pas, son père s'était éteint sous ses yeux. Son père, tué par elle, lui avait transmis son pouvoir, et ses mains étaient devenues armes, armes contres sa mère.

Emma, dans ses pensées, revoyait la pièce où gisaient ses parents. Ils l'avaient tant protégé, tant aimé. Ils avaient voulu l'empêcher de tuer, mais l'avait rendu encore plus dangereuse encore, et à présent, rien ne pouvait l'empêcher de canaliser sa colère grandissante.

Elle était partie, loin de cette maison, de cette ville, de ce pays. Elle l'avait quitté définitivement, elle voulait tout oublier, repartir à zéro.
Jane Parker ne devait plus exister. Jane, c'était celle qui avait tué ses parents, celle qui ne se contrôlait pas, c'était l'Irlande, c'était un passé qu'elle voulait oublier...mais pas entièrement; aussi, "Emma" prenait sa place; Emma, le prénom de sa mère.

New-York. C'était là qu'elle avait échoué. Comme certains de ses ancêtres irlandais, elle aussi avait fini par émigrer, mais "l'American dream" ne lui était qu'une vague notion impensable. Elle était là pour être ce qu'elle n'avait pas pu être chez elle, avant.

Elle marchait dans la ville, sur Broadway et regardait ces lumières étinceller dans la nuit, ces cabaret, ces bars, ces musiques qui sortaient de nulle part.
Elle jeta un coup d'oeil à un petit papier qu'elle tenait, puis fouilla dans son sac, et attrappa son portefeuille fourrée au fin fond, et en tira une petite liasse de billets. Derniers souvenirs des parents, pensa-t-elle un peu ironiquement. Elle longea les cafés pour arriver devant une porte coincée entre deux cabarets.

Elle sonna, puis entendit un cliquetit de l'autre côté, et la porte s'ouvrit, laissant voir une femme d'un certain âge, des cheveux grisonnants entourés de bigoudis, en robe de chambre et pantoufles, mais néanmoins sympathique.
Elle adressa un grand sourire à Emma.

-Aaah c'est toi ma chérie!! Tu sais que depuis ton appel, ta chambre est prête à t'acceuillir!! Allez, entre donc, n'aie pas peur je ne mange pas les jolies jeunes filles comme toi!!
Elle dégagea l'entrée, et Emma entra, pas très assurée. Elle avait eu cette femme uniquement au téléphone, et elle était plutôt étonnée de recevoir cet accueil.
-Euh...merci Madame...
Elle bafouilla deux trois mots, et entra dans la maison.
Une odeur de choux flottait un peu partout. Devant elle, un escalier menait aux étages; à sa droite, une porte donnait sur un salon, puis une salle à manger, qui rejoignait la cuisine, dont la porte était à gauche de l'escalier.
Une vieux CD de Frank Sinatra grésillant résonnait depuis le premier étage, et on entendait les bribes du journal du soir provenant de la télé du salon.
Emma observait chaque détail de cette maison. Combien de temps allait-elle l'habiter, elle ne pouvait le dire, mais malgré la moquette sur les murs, les tapis abîmés et l'escalier grincant, elle se sentit immédiatement comme chez elle.

Elle pris vite les habitudes de la maison, et fit connaissance avec ses occupants.
La vieille, c'était Betty Warner. Une veuve de 63ans, ancienne danseuse de cabaret, on racontait elle avait épousé en cachette un des frères Warner, de la Warner Bros, et celui-ci, à sa mort, ne lui aurait rien laissé...En réalité, Emma appris rapidement que son véritable mari avait été tué lors de la guerre du Vietnam, et que sa profession de danseuse lui avait permis de ne pas rester trop seule...Mais Emma avait jugée que la fable de la vieille Warner était bien plus amusante que la réalité!
Au premier, il y avait Léon Lloyd, un pauvre vieux garçon anglais de 46ans, poète et écrivain raté, qui était venu à Broadway dans l'espoir de trouver de l'inspiration...mais Broadway ne lui avait fourni que des dettes. Emma passait beaucoup de temps à l'aider dans ses compositions, et petit à petit ils étaient devenus très liés.
La voisine de Léon était Magda Sampers, 38ans, qui avait été laissée par son mari. Ne sachant où aller, on lui avait parlé de la maison Warner, mais elle ne s'y était jamais vraiment intégrée. Elle était très taciturne, ne parlait peu, se mettait parfois en colère, buvait, fumait, se droguait de temps à autre. Emma ne cherchait jamais à la croiser, et les rares fois où Magda sortait de sa chambre, et ne lui lançait qu'un "bonjour" de politesse.
Au deuxième, Véronique Desalle, une française de 28ans venue trouver un travail à New-York, et s'étant fait embaucher comme serveuse au café voisin. Une fille très jolie, très ouverte, avec qui Emma s'entendait très bien.
Quant au dernier locataire, William Fox,18ans; il était irlandais, comme Emma, et il était venu étudier à New-York. Ne trouvant aucun endroit qui lui avait convenu, il s'était retrouvé chez Warner, et il s'était sentit comme chez lui. C'était un des locataire avec qui Emma s'entendait le mieux, ils partageaient les mêmes goûts, les mêmes passions, et ils devinrent très amis.

Ella appris rapidement les habitude de sa nouvelle vie New-yorkaise, et petit à petit, ses souvenirs furent de moins en moins envahissants.
Elle gardait toujours cette réserve, et si l'un d'eux était un mutant, comment ça se passe si je ne peux pas contrôler mon pouvoir? refaire un deuxième carnage n'est pas ma tasse de thé... Cette éventualité la glaçait.

Mais un autre problème occupa bientôt son esprit: ses études. Depuis des années elle n'avait pas mis les pieds dans une école, revoir tout ces étudiants la bloquait, et elle ne pu se résigner à s'inscrire. Même le soutien de William fut inutile.
Elle trouva un petit travail comme mannequin pour une boutique chic, et se rendit rapidement compte qu'elle pouvait tirer quelques avantages de son physique.
Elle ne s'était jamais vraiment trouvé jolie, elle n'avait jamais cherché à l'être, et elle s'aperçu qu'elle était la seule à le penser! Elle se souvenait du visage de sa mère, si gracieuse, si souriante, et se regardant de plus près, elle lui ressemblait de plus en plus.
Dès lors, elle changea; elle devint beaucoup plus féminine, sûre d'elle, et savait qu'elle pouvait aller plus loin qu'une simple photo dans une boutique privée.
Elle trouva une petite agence new-yorkaise, et se fit son argent de poche grâce aux photos qu'elle faisait.
Son assurance revenait, Jane avait définitivement laissé la place à Emma.

Il faisait sombre, ce soir-là. New-York avait vêtu son manteau blanc de l'hiver, et Emma se traînait difficilement dans la neige. Elle revenait d'une séance photo pour un nouveau magazine, et le photographe l'avait particulièrement agacé. Après la proposition d'un resto au déjeuner, d'un resto le soir, puis d'un café après la séance, il avait fini par laisser tomber, et Emma était enfin libre ce soir.
Elle jeta un coup d'oeil à son portable; William ne pouvait pas la rejoindre ce soir, pris par un devoir à rendre. Tant pis, elle passerait sa soiréee seule.
Elle avançait machinalement vers la 5è avenue, et se retrouva devant un petit café tranquille qu'elle n'avait jamais vu avant. Il n'y avait pas grand monde, les serveurs avaient l'air sympa, elle se décida puis entra.
A l'intérieur, une ambiance un peu western changeait des cabarets de Broadway; elle s'installa au comptoir et commanda un soda, tout en observant les clients du bar.
Son regard se posa alors sur la télé, qui passait les infos du soir. Entre la rubrique des chiens écrasés, l'augmentation du prix du pétrole et les guerres lancées un peu partout dans le monde, un seul reportage intéressa Emma. Il concernait les mutants. Des tensions entre mutants avaient eu lieu en plein centre de New-York, et les humains déploraient alors le manque de sécurité dans les villes......mais Emma n'écoutait plus.
Il existait donc deux groupes de mutants? Etait-ce organisé comme une mafia, ou y avait-il une hiérarchie, ou quelque chose de ce genre? Surtout, y'avait-il un moyen d'accéder à ces groupes?
Elle termina d'une traite son verre, déposa l'argent sur le comptoir, ignora le serveur qui la regardait depuis son entrée, et sortit sans un mot.

Cela faisait quelques mois qu'elle avait mis cette face de sa vie de côté. Emma avait une nouvelle vie, elle ne voulait plus y songer, mais voilà que tout ça la rattrappait.
Elle réalisa alors que jamais elle ne pouvait ignorer sa condition de mutante. Il fallait se servir de son pouvoir, non le mettre aux oubliettes.

Elle rentra à la maison Warner dans ses pensées, et ne salua personnes, pas même Léon qui voulu lui demander conseil pour son dernier poème.
Elle se jeta sur son lit, s'allongea sur le dos, et posa sa tête sur ses bras croisés.
Elle ne pouvait pas continuer à vivre ainsi, il fallait qu'elle reprenne ses études, et qu'elle apprenne à contrôler son pouvoir...mais sans mutant à mes côté, plutôt difficile, pensa-t-elle ironiquement.
Elle s'endormit alors, perdu dans ses songes.